Mes pas captent le vent est une pièce de théâtre écrite par Philippe Rousseau qui s’est inspiré par son voyage en Russie au lac Baikal. Par son texte, il plonge le lecteur dans l’espace de la Russie. Le voyage c’est initiatique et le personnage cherche des réponses pour se comprendre mieux. Si pendant le voyage il a l’impression qu’il ne comprend rien, « plus j’avance, moins je sais » dans l’épilogue, « ses pas glissent », le personnage commence à avoir l’impression qu’il comprend, la nature le séduit et il veut avancer plus : « Moins je sais où je vais, plus j’avance (dans ce voyage »).En tenant compte du refrain de la pièce « Mes pas captent le vent/ Plus j’avance, moins je sais », qui évolue pendant la pièce en épilogue « Moins je sais où je vais, plus j’avance (dans ce voyage) »est visible la manifestation d’une volonté apparue au fur et à mesure du voyage.
Philippe Rousseau est un auteur, comédien, metteur en scène et dramaturge directeur de la Compagnie Les Taupes Secrètes et professionnel associé de l’Université de Bordeaux 3. Il a écrit aussi « Je me souviens mon père »et avec le Théâtre National Bordeaux Aquitaine il a coproduit 3 mises en scène : Roberto Zucco de Koltès, Décadence de Berkoff et Vie et mort de Pier Paolo Pasolini de Michel. Michel Azama lui permet de prendre conscience de son désir d’écrire. « Philippe Rousseau ne cherche pas à écrire un chef d’œuvre ; il écrit. Point » .
La pièce de théâtre,Mes pas captent le vent, a un prologue qui est finit par un épilogue qui est placé sur le lac Baikal. Le texte est divisé en fonction des espaces où a lieu l’action : 1. Vols ; 2. Métro ; 3. Place Rouge ; 4. Gare Centrale ; 5. Transibérien ; 6. Irkoutsk
Dans le prologue il parle de sa confusion, ses questions sur la nature et son existence. Dans le Vol il nous fait savoir la destination de son voyage, la Russie : « Passeport, carte d’embarquement, visa/ Il est en russe ». Pendant le Vol il nous décrit le contact avec l’anglais et son effort de le comprendre, la manière bizarre dont sa conscience le perçoit, et ses questions sur la destination. Dans le Métro il commence par le contact avec la langue russe : il« l’apprend/ l’approche » ; les questions sont plutôt pour en savoir plus sur son chemin et sa direction. Le métro pour lui « a le don de créer un vortex » dans lequel il descend et il sort. Sur la Place Rouge le personnage accepte la langue russe comme sa langue maternelle, bien qu’il ne la comprenne pas très bien. Il décrit le village russe, les cafés, les bâtiments et leurs couleurs, les gens et les étoiles qui le conduisent. La Gare Centrale évoque la rencontre avec les flics qui l’arrêtent, moment où il se sent comme « une proie ». Le Transibérien est la plus grande partie de la pièce, ici, il y a un homme qui pue et notre personnage s’y méprend sur lui. Le personnage principal commence à se sentir étouffé ; passer « 3 jour et 4 nuit » dans le train, c’est beaucoup et suffocant : dormir, manger et se laver dans ce train c’est une vraie épreuve. A partir de Irkoutsk le personnage se sent perdu et il ne peut pas « nommer cet endroit » il refait le trajet dans sa tête pour comprendre mieux. Il recommence à poser ses questions sur sa nature, sur ce qu’il peut faire ou s’il peut faire face à tout ce qui viendra.
Dans le texte apparaît Jehanne ou Jeanne, qui à mon avis, fait référence au couple primordial. L’auteur a fait aussi une référence à Blaise Cendrars et sa Prose du Transsibérien où il y a aussi une « jeanne » que Cendrars écrit avec deux graphies : Jehanne et jeanne. Dans notre pièce, il y ajouté la graphie russe et anglaise. Certains analysent que, chez Cendrars, ces deux graphies pourraient représenter la femme restée au pays (Jehanne) et les femmes rencontrées en Russie (Jeanne) ; ici, il y a bien une femme laissée au pays.
En ce qui concerne la mise en scène, le metteur en scène, Marie Duret-Pujol a plutôt un rôle de directeur, son rôle principal étant celui de regarder de l’extérieur et elle aide l’acteur à s’exprimer mieux.
La mise en scène que j’ai vue c’était dans une salle de classe, à l’Université de Bacău et où l’acteur, Philipe Rousseau, a utilisé comme décor les objets dont il disposait dans cet espace. Il a arrangé les tables pour créer l’espace scénique, pendant la représentation il a utilisé la fenêtre et aussi le tableau noir pour dessiner la lettre F, dans l’alphabet cyrillique.
Ce qui m’a surpris c’était les moments où les étudiants (les spectateurs) sont devenus des acteurs en répétant quelques répliques du personnage « repeat after me : May i offer you a coffee or tea ?... » .
Le décor est nu. C’est l’acteur qui nous transmet tout, les pensées, les mots, le chagrin, ce qui est à gauche ou à droite, ce qu’on voit ou on sent et où on est. Dans cette pièce l’acteur est tout ce qu’on voit. Il doit avoir un pouvoir, une force particulière de transmettre au public les émotions et l’état psychique du personnage. Toute la scène appartient à l’acteur et il ne quitte pas du tout la scène pendant la représentation, les mouvements sont impétueux et parfois nostalgiques en concordance avec la situation et les états psychiques du personnage. L’acteur utilise aussi des objets dont il parle, par exemple le passeport ou son billet. Le temps est immobile donc l’accent est mis sur l’espace.
La voix a aussi son rôle, la rapidité avec laquelle l’acteur dit ses répliques est en concordance avec la tension ressentie par le personnage ou son impatience. Le rythme rapide et la répétition des mots « Mes pas, mes pas, mes pas, / Mes pas captent le vent » donnent l’impression que le personnage est proche des réponses qu’il cherche ou qu’il a seulement l’impression d’être proche ; ça aussi donne musicalité au texte.
Il y a aussi des mises en scène où la lumière est ajoutée au décor. Par exemple pour montrer le train, sur la scène il y avait un rectangle oblique où l’acteur joue, pour le bus c’est un rectangle vertical et pour le lac, les pieds de l’’acteur ne sont pas visibles, le corps du personnage étant éclairé du milieu vers le haut en montrant le gel que le personnage ressent.
Pour moi la pièce m’a portée en Russie. J’ai senti le froid et le gel. Le texte a un pouvoir de transmettre une multitude d’émotions bien que, parfois, j’aie dû relire pour bien comprendre. Merci Philippe pour ce spectacle fait avec presque rien mais capable de me transporter ailleurs pour mieux me comprendre.